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La peau et les traitements contre le cancer : rencontre avec Hédi Chabanol

Les traitements du cancer deviennent de plus en plus ciblés dans leur manière de détruire les cellules cancéreuses. Leurs effets secondaires sur la peau nécessitent eux aussi des soins spécifiques. Hédi Chabanol, directrice de l’Espace de Soins et d’Étude de la Peau à l’Institut Curie, aborde ici deux effets secondaires cutanés des traitements contre le cancer : la folliculite et le syndrome main-pied. Elle partage des conseils pour les accompagner.

Lors d’un cancer, les cellules cancéreuses se renouvellent et se répandent rapidement dans l’organisme. La chimiothérapie et les thérapies ciblées ont pour but de les empêcher de se propager.

Hédi Chabanol, Responsable de l’espace Soin et étude de la peau.

Les cellules de la peau et des muqueuses se renouvellent également rapidement, c’est ce qui peut expliquer qu’elles sont aussi la cible des traitements anticancéreux. La folliculite et le syndrome main-pied sont deux effets secondaires cutanés causés par différents traitements contre le cancer. Ils peuvent tous les deux avoir un vrai impact sur la qualité de vie des patients, en particulier en limitant les activités instrumentales (se servir du téléphone, préparer les repas, faire des lessives…) et élémentaires (manger, se laver, bouger…). Pour réduire ces toxicités cutanées, il est important d’adopter les bons réflexes avant et pendant les traitements en prenant soin de sa peau avec des produits qui respectent sa physiologie quel que soit le type de peau du patient.

Hédi Chabanol, Responsable de l’espace Soin et étude de la peau.

Certains traitements, comme les anti-EGFR (epidermal growth factor receptor), peuvent déclencher chez les patients une folliculite. Elle se déclare assez rapidement après le début du traitement. « On l’appelle aussi le rash acnéiforme. Il apparaît en particulier sur le visage, le décolleté, le torse et le dos », résume Hédi Chabanol. « Ça ressemble à de l’acné et les patients ont souvent envie de percer les boutons. Mais ce n’est pas de l’acné, le mode d’apparition n’est pas le même ». Une folliculite peut empêcher certains patients de sortir, créant un isolement social qui impacte grandement leur qualité de vie. Ils ne sont plus capables de sortir faire les courses ou de s’habiller, à cause du frottement des vêtements sur les boutons. Ils redoutent le regard des autres. Mais Hédi Chabanol se veut rassurante : « utiliser régulièrement des produits topiques adaptés peut donner de très bons résultats. Quand la peau est très sèche, il faut l’hydrater quotidiennement dès que l’on ressent des tiraillements.

« Il ne faut pas hésiter à utiliser une crème de jour et une crème de nuit pour hydrater au maximum. Et surtout pensez à demander conseil à un professionnel de santé. » Soigner son apparence, c’est aussi important que de prendre soin de sa peau. Hédi Chabanol poursuit : « Les patients n’osent pas toujours se maquiller avec une folliculite. Pourtant on peut très bien utiliser des produits de maquillage, à condition qu’ils soient non comédogènes et que la peau puisse respirer. » Son conseil : privilégier les poudres et les correcteurs verts pour camoufler l’éruption, nettoyer et sécher sa peau soigneusement.

Le syndrome main-pied, ou SMP, est un autre effet secondaire cutané. « Il peut être diffus ou localisé, selon le type de traitement. Il touche les mains et/ou les pieds qui deviennent très secs et présentent des sensations de brûlure. Ça chauffe tellement que ça devient parfois difficile et douloureux pour les patients d’utiliser leurs mains ou de marcher. La peau devient très sensible et développe des plaies et des crevasses. Dans le cas des pieds, les patients perdent parfois leur stabilité.» En cas de symptômes, il faut consulter un podologue, qui donnera des conseils spécialisés, notamment sur des soins spécifiques pour les pieds et des semelles orthopédiques.

« L’hydratation est importante ici aussi. Cependant, tous les patients sont différents. Selon leur type de peau et leurs habitudes quotidiennes, certains sont plus habitués que d’autres à appliquer des soins. L’utilisation d’une crème pour les pieds est plutôt rare chez les patients. Donc il faut aussi jouer sur la prévention des facteurs favorisants, autrement dit, tout l’environnement quotidien des pieds et des mains. » Par exemple, protéger ses mains en portant des gants quand il fait froid ou pour les tâches ménagères et ne pas porter de sacs lourds. « Depuis le début de la pandémie de la Covid-19, les mains sont extrêmement fragilisées à cause du gel hydroalcoolique et des lavages fréquents. » Restaurer le film hydrolipidique aide à maîtriser le SMP. Quant aux pieds, mieux vaut oublier les chaussures serrées et les talons hauts, sauf pour les grandes occasions. Préservez vos pieds avec des chaussettes en coton et des chaussures confortables à semelles souples. « Tous ces conseils contribuent à réduire la transpiration et à prévenir les fissures. »

Hédi Chabanol, Responsable de l’espace Soin et étude de la peau.

Utiliser des produits adaptés mais aussi avoir des conseils d’utilisation clairs peut faire la différence sur la prise en charge globale.

Hédi Chabanol, Responsable de l’espace Soin et étude de la peau.

Appliquer régulièrement les bons soins pour la peau peut faire toute la différence

Les toxicités cutanées comme la folliculite et le SMP sont souvent doses-dépendantes et présentent un effet cumulatif. Souvent, les signes empirent à mesure que la thérapie avance et s’améliorent une fois qu’elle est terminée.

Dans les deux cas, la prévention reste le meilleur traitement. « Le plus important c’est l’observance », encourage Hedi Chabanol. « Utiliser des produits adaptés, avec peu d’ingrédients dans leur composition pour réduire le risque d’allergie, un pH qui respecte celui de la peau, mais aussi savoir comment appliquer la crème, à quel moment et combien de fois par jour, tout cela peut avoir un réel impact sur le traitement global. »